Il y a deux doctrines, mais il n'y a qu'une vérité.
Il y a deux doctrines : l'une de Dieu, immuable comme lui, l'autre de l'homme, changeante comme lui. La Sagesse incréée, le Verbe divin, répand la première dans les âmes préparées à la recevoir. Et la lumière qu'elle leur communique est une partie d'ellemême, de la vérité substantielle et toujours vivante. Offerte à tous, elle est donnée avec plus d'abondance à l'humble de cœur. Et comme elle ne vient pas de lui, qu'elle peut à chaque instant lui être retirée, qu'elle ne dépend en aucune façon de l'intelligence qu'elle éclaire, il la possède sans être tenté de vaine complaisance dans sa possession.
La doctrine de l'homme, au contraire, flatte son orgueil, parce qu'il en est le père : "Cette idée m'appartient, j'ai dit cela le premier, on ne savait rien là-dessus avant moi." Esprit superbe, voilà ton langage. Mais bientôt on conteste à cette puissante raison ce qui fait sa joie ; on rit de ses idées fausses qu'elle a crues vraies, de ses découvertes imaginaires. Le lendemain on n'y pense plus, et le temps emporte jusqu'au nom de l'insensé qui ne vécut que pour être immortel sur la terre.
O Jésus, daignez mettre en moi votre vérité sainte, et qu'elle me préserve à jamais des égarements de mon propre esprit !
Dieu devant être la dernière fin de nos actions comme de nos désirs, il est nécessaire qu'en agissant nous évitions de nous abandonner aux mouvements précipités de la nature, dont le penchant est de tout rapporter à soi.
Et comme nul ne se connaît lui-même, et ne peut dès lors être son propre guide, la sagesse veut que nous ne hasardions aucune démarche de quelque importance avant d'avoir pris conseil, en esprit de soumission et d'humilité.
Cette juste défiance de soi prévient les chutes et purifie le cœur. Le conseil vous gardera, dit l'Ecriture, et vous retirera de la voie mauvaise.
Qu'est-ce que la raison comprend ? Presque rien : mais la foi embrasse l'infini.
Celui qui croit est donc bien au-dessus de celui qui raisonne, et la simplicité de cœur bien préférable à la science qui nourrit l'orgueil. C'est le désir de savoir qui perdit le premier homme : il cherchait la science, il trouva la mort. Dieu, qui nous parle dans l'Ecriture, n'a pas voulu satisfaire notre vaine curiosité, mais nous éclairer sur nos devoirs, exercer notre foi, purifier et nourrir notre âme par l'amour des vrais biens, qui sont tous renfermés en lui.
L'humilité d'esprit est donc la disposition la plus nécessaire pour lire avec fruit les livres saints, et c'est déjà avoir profité beaucoup que de comprendre combien ils sont au-dessus de notre raison faible et bornée.
Un joug pesant accable les enfants d'Adam, fatigués sans relâche par les convoitises de la nature corrompue.
Succombent-ils, la tristesse, le trouble, l'amertume, le remords, s'emparent aussitôt de leur âme. "Superbe encore au fond de l'ignominie, inquiet et las de moi-même," dit saint Augustin en racontant les désordres de sa jeunesse, "je m'en allais loin de vous, ô mon Dieu, à travers des voies toutes semées de stériles douleurs."
Il en coûte plus à l'homme de céder à ses penchants que de les vaincre ; et si le combat contre les passions est dur, une paix ineffable en est le fruit.
Appelons le Seigneur à notre aide dans ce saint combat ; n'en craignons point le travail, il sera court : aujourd'hui, demain, et puis le repos éternel !
Il faut se prêter aux hommes, et ne se donner qu'à Dieu.
Un commerce trop étroit avec la créature partage l'âme et l'affaiblit : elle doit viser plus haut.
Notre conversation est dans le ciel, dit l'Apôtre.
Le Christ s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. Qui oserait après cela refuser d'obéir ? Nul ordre dans le monde, nulle vie que par l'obéissance : elle est le lien des hommes entre eux et avec leur auteur, le fondement de la paix et le principe de l'harmonie universelle.
La famille, la cité, l'Église ou la grande société des intelligences ne subsistent que par elle et la perfection la plus haute n'est, pour les créatures, qu'une plus parfaite obéissance ; elle seule nous garantit de l'erreur et du péché. Qu'est-ce que l'erreur ? La pensée d'un esprit faillible, qui ne reconnaît point de maître et n'obéit qu'à soi, est-ce que le péché ? L'acte d'une volonté corrompue, qui ne reconnaît point de maître et n'obéit qu'à soi.
Mais à qui devons-nous obéir ? A un homme comme nous ? Non, non ; l'homme n'a sur l'homme aucun légitime empire ; son pouvoir n'est que la force, et quand il commande en son propre nom, il usurpe insolemment un droit qui ne lui appartient en aucune manière. Dieu est l'unique monarque, et toute autorité légitime est un écoulement, une participation de sa puissance éternelle, infinie.
Ainsi, comme l'enseigne l'Apôtre, tout pouvoir vient de Dieu, et il est soumis à une règle divine, aussi bien dans l'ordre temporel que dans l'ordre religieux ; de sorte qu'en obéissant au pontife, au prince, au père, à quiconque est réellement le ministre de Dieu pour le bien, c'est à Dieu seul qu'on obéit.
Heureux celui qui comprend cette céleste doctrine. Délivré de la servitude de l'erreur et des passions, de la servitude de l'homme, il jouit de la vraie liberté des enfants de Dieu.
Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix, non comme le monde la donne.
Quelle aimable douceur ! quel touchant amour dans ces paroles de Jésus-Christ et en même temps quelle instruction profonde ! Tous les hommes souhaitent la paix : mais il y a deux paix : la paix de Jésus-Christ, et la paix du monde.
Le monde dit à l'ambitieux : "Le désir des grandeurs te trouble et t'agite, monte, élève-toi." Il dit à l'avare : " L'envie des richesses te dévore, amasse, amasse sans t'arrêter jamais." Il dit au mondain tourmenté de ses convoitises : "Enivre-toi de tous les plaisirs". Il dit enfin à chaque passion : "Jouis, et tu auras la paix." Promesse menteuse ! les soucis, la tristesse, l'inquiétude, le dégoût, les remords, voilà la paix du monde !
Jésus dit : " Triomphez de vous-même, combattez vos désirs, domptez vos convoitises, brisez vos passions." Et l'âme docile à ses commandements repose dans un calme ineffable. Les peines de la vie, les souffrances, les injustices, les persécutions, rien n'altère sa paix. Et cette céleste paix, qui surpasse tout sentiment, l'accompagne au dernier passage, et la suit jusqu'au ciel, où se consommera sa félicité.
Extrait du livre L’Imitation de Jésus-Christ: Nouvelle traduction avec des réflexions à la fin de chaque chapitre.