Un soir d’été en 1532 dans les montagnes du Tyrol du Sud, un missionnaire anabaptiste Jakob Hutter baptisa une jeune domestique, Katharina Purst. Elle devint ainsi l’une des milliers de personnes qui allaient joindre les rangs du mouvement de Réformation Radicale qui avait vu le jour cinq années plus tôt en Suisse. Surnommés « rebaptiseurs » ou Anabaptistes en raison de leur pratique du baptême des adultes symbolisant la condition de disciple volontaire, ils devinrent rapidement la cible de féroce persécution des souverains catholiques aussi bien que protestants. (Des milliers allaient devenir des martyrs durant les deux prochaines décennies). Katharina devint bientôt membre du mouvement clandestin anabaptiste amenant des provisions à ses compagnons croyants qui se cachaient dans les forêts et les gîtes de montagne isolés.
« Si le monde entier était comme nous il n’y aurait ni guerre ni injustice. »
–Jakob Hutter
Trois ans plus tard en mai 1535, Katharina épousa Jakob qui était devenu le leader d’une communauté grandissante. Peu de temps après, les autorités expulsèrent un grand nombre d’eux de leur maison, alors les nouveaux mariés menèrent les réfugiés dans une longue marche à travers la campagne.* Selon un récit contemporain : « Ils furent conduits dans le champ comme un troupeau de moutons. On ne leur permettait de camper nulle part jusqu’à ce qu’ils aient atteint la périphérie d’un village…) Là ils s’allongèrent sur la vaste lande sous les cieux ouverts ayant parmi eux de pitoyables veuves et enfants, malades et nourrissons. «
Jakob souleva leur cas au gouverneur local :
Nous sommes maintenant en train de camper sur la lande. Nous ne voulons causer de tort ou de mal à aucun être humain ni même à notre pire ennemi. Notre chemin dans la vie est de vivre dans la vérité et la vertu de Dieu, dans la paix et l’unité. Nous n’aurons aucune hésitation à répondre de notre conduite à quiconque. Cependant toute personne qui dit que nous avons campé dans un champ avec tant de milliers d’autres comme si nous étions sur le pied de guerre ou quelque chose de tel est un menteur et un vaurien. Si le monde entier était comme nous il n’y aurait ni guerre ni injustice. Il n’y a nulle part où aller ; puisse Dieu dans les cieux nous montrer le droit chemin.
La réponse aux lettres de Jakob fut une chasse à l’homme intensifiée contre lui et Katharina. Le couple passa les quatre mois suivants à se déplacer de lieu sûr en lieu sûr, baptisant, encourageant les croyants démoralisés, distribuant des dons aux veuves et à ceux dans le besoin et prenant des dispositions pour que ceux qui sont en danger puissent s’enfuir vers un endroit sûr. Il semble que Katharina ait pu se construire un réseau de femmes ayant procuré à Jakob et elle-même refuge et aide.
Mais en novembre, les deux furent arrêtés par des officiers de l’évêque de Brixen, trahis par un informateur. Katharina fut immédiatement séparée de Jakob et ainsi finit leur vie conjugale cinq mois après qu’elle ait commencé. Katharina était encore en prison en février lorsqu’elle aurait entendu dire que son mari qui avait enduré de terribles tortures, avait été brûlé au bûcher à Innsbruck. Selon une source, elle était enceinte.
Peut-être en raison de sa grossesse donnant lieu à une sécurité relâchée, au mois d’avril Katharina réussit à s’échapper de prison ; pendant les deux années qui suivirent, elle disparut de tout record historique. En 1538, elle fut capturée à nouveau dans son ancien territoire de mission. Cette fois-ci elle fut exécutée tout de suite, probablement par noyade. Elle avait environ trente ans.
Ses derniers mots ne nous sont pas parvenus mais les lettres de Jakob ont survécu dans lesquelles il résume à juste titre leur vocation partagée : « J’espère que le feu de Dieu sera vivement attisé et son travail si bien établi que même les déluges et grandes inondations et les pluies torrentielles ne pourront l’éteindre. »
Ce portrait de Katharina Hutter la montre menant un groupe de familles anabaptistes en train de fuir les forces du gouvernement qui les persécutent. La scène se voit à travers les yeux de l'enfant qu'elle mène. Les deux sont vêtus d'habits contemporains pour nous rappeler que Katharina n'est pas un personnage d'un passé lointain mais plutôt qu'elle continue à vivre en nous comme une sœur dans la foi.
* Ceci est la scène que l’on peut voir dans mon illustration.