Que signifie pour nous le Sermon sur la Montagne ? S’agit-il vraiment de la voie que nous sommes appelés à suivre ? Il était crucial, à mon avis, que notre communauté réfléchisse dès le départ à ce tout premier pas. Car le Sermon sur la montagne est le premier pas de notre cheminement. Pour moi, il était absolument nécessaire que nous revenions à ce point de départ et que nous soyons unanimes à ce sujet. Car, si nous saisissions vraiment le sens du Sermon sur la montagne et si nous lui prêtions vraiment foi, rien ne pourrait nous faire peur : ni la conscience de nos limites, ni notre fragilité financière, ni la faiblesse de la communauté ou de ceux et celles qui la composent. Alors, tels que nous sommes, dans toute notre faiblesse, nous pourrions faire face à la situation.

Il est difficile de décrire à quel point le Sermon sur la montagne nous a bouleversés au début de notre cheminement. Personnellement, il m’a interpelé et profondément encouragé. Pour moi, le contenu essentiel du Sermon sur la montagne se résume dans la nature du sel, la lumière qui brille et qui réchauffe, l’âme de la ville, la force de vie de l’arbre.

Ces vérités fondamentales du Sermon sur la montagne montrent clairement qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle loi. Le don de soi que suppose le Sermon sur la montagne ne se présente pas comme une nouvelle mission morale. Son fondement est le pardon. C’est à Jésus lui-même que nous avons à faire, à la force du sel, à la lumière et à la chaleur de l’Esprit-Saint. C’est lui qui nous révèle ce qu’est la lumière intérieure, la clarté de l’œil intérieur, la force de vie de l’arbre qui porte de bons fruits. Le Sermon sur la montagne illustre le caractère de la communauté, cette ville qui rayonne pour le monde entier.

Nous devons bien comprendre qu’il ne s’agit pas pour Jésus d’exiger une moralité à haute tension mais de révéler la mesure de la puissance de Dieu dans la vie humaine. Il faut que la vie humaine se donne vraiment à Dieu, que Dieu la pénètre de toute la force de sa lumière, de la force de l’arbre, de l’énergie élémentaire qui seule rend la vie possible, pour que nous puissions connaître la vie nouvelle. C’est ce qui est décisif.

Si nous en étions restés à la conception de Tolstoï, qui réduisait le Sermon sur la montagne à cinq nouveaux commandements, nous aurions complètement échoué. En réalité, Jésus y reprend tous les commandements du premier Testament et les fait apparaître avec plus de netteté. Jésus montre qu’il n’est pas venu dans l’histoire pour ôter leur force aux exigences de Dieu, mais au contraire pour les renforcer.

Il ne s’agit que de cinq exemples - il aurait aussi bien pu en prendre cinq-cent ou cinq-mille. Cinq exemples de l’immense impact de la lumière, de l’énergie de ce puissant arbre porteur de fruits, cinq exemples qui montrent comment Dieu agit en Christ. La Loi ancienne est accomplie dans le sens où cette justice est meilleure que celle des savants et des théologiens. La justice dont il est question ici est toute autre ; on ne peut absolument pas l’obtenir au moyen de résolutions, de pensées ou de conceptions morales. Il s’agit d’une manière radicalement différente de remplir ces exigences. Il s’agit de croissance. Il s’agit de vie. La vie que Dieu donne est comme la lumière qui brille, comme le sel qui purifie, comme la flamme qui éclaire et comme la sève qui monte dans l’arbre. C’est la vie, la vie, la vie !

J’aimerais dire que notre vie communautaire n’a aucun sens si elle n’est pas imprégnée de la vie telle qu’elle se présente à nous dans le Sermon sur la montagne !


Extrait du livre SEL ET LUMIÈRE par Eberhard Arnold.