Nous apprenons par les écrits des Pères, que l’Apôtre Jean visitait régulièrement les congrégations de la contrée, pour en suivre, avec une sollicitude toute paternelle, les vicissitudes et le développement intérieur.
Vers l'an 95 de notre ère, pendant qu'il était dans l'île de Patmos, à quarante lieues d'Éphèse, exilé pour la foi par le terrible empereur Domitien, Jean reçut probablement des renseignements sur l'état spirituel et les circonstances diverses où se trouvaient les sept églises. Peut-être même eut-il la visite d'un représentant de chacun de leurs presbytères, ce qui (le mot traduit par « ange signifiant aussi en grec « envoyé » et « député » donnerait, d'après' certains commentateurs, l'explication de cette mystérieuse adresse « à l'ange » que nous venons de rencontrer. Chacun de ces hommes venus auprès de Jean aurait reçu, par son entremise, une lettre de Jésus-Christ lui-même, destinée à être lue, à son retour, devant la congrégation qui l'avait délégué. En tout cas, que ce mot « ange » doive désigner un député du presbytère, ou qu'il s'applique collectivement à ce corps personnifié, c'est, en réalité, à l'église elle-même que le Seigneur voulait écrire : tous les interprètes sont unanimes à le reconnaître. On s'est beaucoup demandé pourquoi ces églises ont reçu de telles lettres, à l'exclusion de toutes les autres congrégations d'Asie ou d'Europe? Les quelques faits d'histoire que je viens d'exposer donnent, ce me semble, le premier motif fort naturel de ce choix. Cependant suffisent-ils à l'expliquer? C'est peu probable. Placées dans un livre prophétique qui était destiné à l'Église universelle, ces lettres doivent avoir eu, dans la pensée du Seigneur, une utilité plus générale, une portée plus étendue.
Si l'on compare entre elles les sept églises de l'Apocalypse, on constate qu'il n'en est pas deux dont les circonstances soient identiques. Malgré la proximité de quelques-unes d'entre elles, elles ont toutes leur physionomie propre, leurs dangers et leurs épreuves, leurs bons ou leurs mauvais côtés particuliers, et chacune reçoit des éloges ou des blâmes, des encouragements ou des menaces qui ne ressemblent nullement à ceux de sa sœur la plus rapprochée.
Chacune parait donc avoir été une église-type, et, peut-être, les sept réunies épuisent-elles la somme des types d'église, c'est-à-dire de tous les principaux états par lesquels une église ou l'Église peut passer.
Telle a été aussi la pensée d'un grand nombre d'interprètes de l'Apocalypse. Allant plus loin, beaucoup de chrétiens voient aussi dans ces épîtres les tableaux prophétiques de sept grandes périodes de l'histoire ecclésiastique, depuis la fin du premier siècle jusqu'à celle de l'économie présente et du retour de Jésus-Christ. Il me parait sage d'accepter pleinement la première de ces deux vues et timidement la seconde, là seulement où elle est décidément confirmée par l'étude impartiale des faits.
Mais il ne faudrait pas s'en tenir à une étude historique et purement objective de cet important sujet. Puisque à toute époque une congrégation chrétienne peut ressembler à telle de ces sept églises ou, successivement, à plusieurs d'entre elles, il faut que la nôtre s'efforce de découvrir et de recueillir les avertissements qu'elle doit en recevoir; et si le Seigneur ne se contente pas de s'adresser aux églises, mais va jusqu'aux individus qui les composent, en disant: « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux églises, » il faut aussi que chacun de nous soit attentif aux solennelles leçons de Dieu. Aussi m'a-t-il paru qu'il y aurait une grande utilité à faire cette étude, qui intéresse notre époque, notre église et l'âme de chacun de nous. Écoutons donc ce que l'Esprit dit aux églises, avec autant de recueillement que si ces sept lettres étaient à notre propre adresse.
Extrait du livre Les sept églises d'Asie par G. Tophel (Lausanne : Editions Arthur Imer, 1878)
Image par Nicolas Poussin (1594–1665) - Landscape with Saint John on Patmos (Paysage avec Saint-Jean à Patmos)
Ephèse – la perte du premier amour