Même si la distance entre Dieu et nous-mêmes nous semble immesurable, je suis convaincu qu’Il n’est jamais loin. Comme l’ange qui se tint avec les jeunes Hébreux dans la fournaise, Il est toujours là – Emmanuel, Dieu avec nous. Il nous rejoint dans notre douleur. Mais, que pouvons-nous dire à une personne désespérée, qui a l’impression que Dieu n’entend pas ses cris ?
Janine, une de mes connaissances, m’a envoyé ces pensées suivantes l’année dernière, pendant un temps de bouleversements dans sa famille :
Nos quatre enfants se trouvent maintenant dans les années cahoteuses de l’adolescence. C’est stressant pour nous d’essayer de leur donner la liberté qui leur est due, avec la direction dont ils ont besoin, en grandissant. C’est ce qui se passe, généralement, entre parents et adolescents, comme on le sait. Mais mon mari semble le prendre trop au sérieux. Comme les conflits s’intensifient, ses résolutions s’affaiblissent. Et les enfants, anxieux, se sentant provoqués, veulent insister, et, repousser la limite imposée.
Un évènement terrible d’il y a longtemps, quand notre vie a été physiquement menacée, secoue toujours mon mari, et le hante encore. D’avoir déménagé, après vingt-cinq années, et d’avoir entrepris un nouveau travail, pour la première fois depuis des années, ajoute à la tension. Devenu quelque peu instable, il succombe.
C’est la dépression, pour de bon. Non seulement d’être découragé, ou d’avoir le cafard, Déprimé : engourdi, absent, il n’est plus là. Quant à moi, il me faut vivre avec quelqu’un, qui n’est plus la même personne, que celui avec lequel je me suis mariée : où es-tu, mon mari ?Le vide.
Nos fils n’y comprennent rien. Ma fille ne dit rien, elle se replie sur elle-même, confuse. Je suis irritée, puis, frustrée, enfin, stoïque. Cependant, les jours deviennent des semaines, la dépression de mon mari s’éternise, et il perd, sa confiance en soi disparaît. Nous prions chaque jour, pour recevoir du secours. Nous prenons part aux services de prière à notre Eglise locale, espérant que tout ira mieux. Certaines semaines sont meilleures. Parfois, il se passe même des mois, où tout va bien.
Si nous avons de mauvais jours, je me dis simplement qu’il faut s’accrocher. Après tout, j’ai toujours été optimiste, et bien organisée.
Mais, soudain, tout change. Un soir, pendant que je prends ma douche, mon mari se rend compte que notre second fils n’est pas en train de faire ses devoirs, comme nous le pensions. Voyant la lumière briller dans le grenier, il se demande pourquoi, et il le trouve regardant attentivement, par une fente du plancher, me regardant toute nue.
Je suis écœurée, anéantie. Je me sens trahie qu’il m’ait observée ainsi– chaque garçon et chaque homme a éprouvé le désir d’observer une femme nue, chacun a connu cela. Je ne suis pas sotte. Mais de sournoisement vouloir voir sa mère dans la douche ?
Nous recherchons un conseiller, mais ce n’est pas une solution. Et voilà que mon mari s’effondre dans une autre dépression encore plus profonde. Je reste seule, à confronter cette double obscurité, et ces vagues du destin, qui me rouent de coups.
Je prie – plus qu’avant, et bien plus sérieusement. Seigneur, aide-moi ! Aide mon mari ! Sauve mon fils ! Je prie. De bons conseils et l’encouragement de bons amis, et le temps, tout cela m’aide à continuer et même à me remettre.
Puis, tout craque de nouveau. Un jour, le téléphone sonne, j’entends une voix mielleuse me proposer une sale blague. Ecœurée, je raccroche l’appareil, . Comment se peut-il qu’une pareille chose nous arrive?
J’appelle mon mari, et nous confrontons notre fils. En effet, il a appelé ce numéro : 1-800-sales blagues, et même, régulièrement. Oui, il prend encore part à ce voyeurisme; il nous trompe encore. Le sang me monte à la tête. Je suis tellement en colère, que je ne sais que faire. J’essaye d’aimer, en restant ferme. Mon mari reste debout, silencieux, la dépression déferlant à nouveau.. Mon cœur est blessé, desséché, mais je m’efforce de continuer à lutter de toutes mes forces.
Des mois se passent, mais ça va de plus en plus mal. Notre fils ainé devient déshonnête, rebelle, se détache de nous. Notre second fils continue du même train. Le plus jeune devient exigeant, veut quitter la maison. Je ne l’en blâme pas. Notre fille devient de plus en plus silencieuse. Mon mari perd du terrain, et essaie de compenser son sentiment de faillite, en cédant à chaque caprice des enfants, espérant ainsi regagner leur amour.
Si mon fils ment, mon mari prend même son côté, se séparant de moi, et quand je découvre la vérité, il se sent encore plus mal. Nous tournons en rond, il me semble que les fenêtres de notre mariage sont toutes brisées, que c’est irréparable ! Je veux crier, je veux m’enfuir, mais je ne le puis. Je reste là.
Les gens me disent, « Je vais prier pour vous. » Ou bien, « Priez. » Ils ont raison. Cependant, parfois, ces phrases sont simplement gonflées de magie – abracadabra – puis elles se dispersent, vides, en l’air. Naturellement, je continue tout de même de prier, tout le temps, sans cesse, comme le dit la Bible. Comme la veuve, je frappe à la porte du juge, jusqu’à ce que Dieu se fatigue de moi et répond exaspéré à ma ténacité. Je prie pendant ces longues nuits sans sommeil. Je jeûne, en secret, pour que mon Père me réponde, en secret. Les larmes se succèdent, au lieu de paroles, car Dieu connaît mon mal, mieux que moi-même. Je prie. Je cherche. Je frappe. Je crie, car Dieu est si loin, et je veux qu’Il m’entende !
Je commence à avoir des migraines, qui ne sont pas pires que cette éruption, cet Herpès qui m’attaque, et qui me brûle le long de l’épine dorsale. J’agonise, jour après jour, pour ma famille. Entre-temps j’essaie de vivre. Je vois de la souffrance partout dans le monde – tant de chaos et de mort. Ma propre peine disparaît en comparaison.
Je commence à prier que la volonté de Dieu soit faîte. Après quelques temps je commence à répéter la prière dominicale pendant mon travail, et en marchant, des que je peux, car je ne sais plus comment parler à Dieu. Je sais ce que je désire : que mes fils soient libérés de l’esclavage qui est en train de ruiner leur vie, et de l’amertume qui ronge leur cœur. Je désire tellement que mon mari ne soit plus déprimé. Je désire tellement que Dieu soit victorieux dans notre famille, que Son royaume pénètre dans nos vies.
Et avec ce dernier désir, je recommence à voir le chemin à prendre. Jusqu’ici, j’ai été trop préoccupée par ma recherche pour trouver une solution pour moi-même et ma propre lutte. J’ai trop essayé de faire de mon mieux, esclave d’efficacité et de perfection. J’ai manqué d’amour et de compassion devant la profonde misère de mon mari.
Le pardon – à la fois d’être pardonnée, et de pardonner – prend une nouvelle importance dans ma vie. Nous commençons à faire de la thérapie de famille. Nous recherchons nos priorités, et nous essayons de percevoir Dieu dans l’un et l’autre. Dans un centre de retraite, nous élargissons notre horizon, en ouvrant nos yeux et nos oreilles aux peines des autres, et, ainsi nous prenons courage pour partager les nôtres. Je crie mon désespoir, une femme me dit simplement, « Tenez ferme. Et, priez. » Elle le dit tranquillement, avec cette sincérité qui connait la souffrance, et je reprends espoir.
Et je commence à comprendre combien puissante est la prière. Je n’en avais aucune idée, lorsque la vie était normale. C’était notre impuissance qui nous avait mis à genoux. Nous ne sommes pas plus forts, mais nous sommes certains que Dieu va nous aider. Lui, Seul, a les réponses, dont nous avons besoin, en vue de confronter – les caprices de nos enfants, la dépression de mon mari, et le désespoir qui me menace. Ainsi, nous continuons à prier !
Il y a encore des luttes ; s’il n’y en avait pas, comment y aurait-il des victoires ? Mon mari et moi, prions que Dieu continue à nous guider. Nous prions pour tous ceux qui souffrent plus que nous. Nous prions pour un monde assailli de souffrance inconcevable.
Bien que les problèmes de Janine, avec sa famille, soient vraiment sérieux, il y a peu de gens qui n’aient pas souffert de cette façon, du moins dans une certaine mesure. Nous sommes tous passés par des temps, où Dieu nous semble bien lointain. Des périodes de sècheresse, quand il nous semble que la pluie ne viendrait jamais. Des périodes d’angoisse ou de désespoir intense, si une épouse aimée, ou un enfant meurt.
Où est Dieu ?... Allez vers Lui, quand vous désespérez, quand vous n’en pouvez plus, et que trouvez-vous ? Une porte claquée à votre nez ! Une porte fermée à double tour. Puis, le silence. Il vaut mieux se détourner... Aucune lumière aux fenêtres. Ce pourrait être une maison vide. Avait-elle été habitée ? On le dirait. Que signifie ceci ? Pourquoi est-Il si présent, en nos temps de prospérité et si absent en temps de crise.
—C.S. Lewis
Même les plus sincères, les plus bien ancrés en la foi, passent par des heures de désespoir. Dans de tels moments, il est important de continuer à prier. Peut-être, nous semble-t-il que nous parlons dans une chambre à écho. Ou, peut-être, jugeons-nous nos efforts tellement insignifiants, tellement faibles, que notre voix ne peut jamais atteindre le ciel. Cependant la prière ne dépend jamais du sentiment d’être proche de Dieu, Il est toujours près de nous, et il nous entend très bien.
Janine se sentit soulagée en partageant ses peines avec d’autres personnes. Une telle franchise peut sembler consternante, car elle invite la vulnérabilité. Mais cela peut aussi nous donner du courage et nous conduire à la guérison, même si ce n’est pas la solution du problème. Janine a de même tenu ferme, en continuant à réfléchir sur les aspects positifs de sa vie : elle est au moins toujours avec son mari, et ses enfants ne l’ont pas quittée.
Cet article est extrait du livre Des cris du cœur.