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Checkout… et ce Christ qui domine toutes choses, il l’a donné pour chef à l’Eglise qui est son corps, lui en qui habite la plénitude du Dieu qui remplit tout en tous. Ephésiens 1.22, 23
Il y eut une fois un beau prince. Il était grand, fort, juste et sage et aimé de tout le pays. Son père, l’empereur des Terres-de-Ci-et-de-Là, était très fier de lui. Car jamais au monde, il n’y avait eu un prince comme Eras-Melekorfootnote.
Aux confins de l’Empire-des-Terres-de-Ci-et-de-Là se trouvait le royaume ténébreux de Mundusfootnote sur lequel régnaient le roi et la reine Potestasfootnote et Gloria Mundi. Techniquement, le royaume de Mundus faisait partie de l’empire et l’empereur en était le souverain légal. Cependant, Potestas, mal conseillé et peu avisé, avait proclamé son indépendance de l’empire. Et jusque-là, sa proclamation n’avait encore jamais été mise au défi.
Potestas et Gloria eurent une fort nombreuse progéniture et la succession, à défaut du succès, était assurée. Parmi ces princes et princesses, il y en avait une de très différente. Contrairement à ses frères et sœurs, elle était belle, d’un teint sombre et d’une nature délicate. Elle n’avait ni la force, ni la cruauté, ni la vanité qui caractérisaient les autres enfants royaux. Manifestement, elle était faible, et son père la détesta. Manifestement, elle était belle, et sa mère la détesta encore plus. Elle leur faisait de l’ombre et c’est ainsi qu’ils l’ont appelé : Ombre. Elle fut confiée à une nourrice avec l’ordre de ne pas l’épargner. Son père et sa mère l’oublièrent. Ses frères et sœurs la méprisèrent. Mais sa nourrice l’aimait et l’appela : Ombrelle.
Un jour, l’empereur convoqua son fils, le prince Eras-Melekor.
– Mon fils, dit-il, Mundus était autrefois la perle la plus raffinée de notre empire et la rébellion de Potestas me pèse. Cependant, avant de rassembler toutes nos forces pour l’anéantir, je veux envoyer quelqu’un là-bas pour voir où en est la situation. Je ne veux pas risquer de faire injustice à ceux qui seraient restés loyaux à notre empire. Qu’en penses-tu ?
Le prince regarda son père avec affection.
– Mon père, laisse-moi aller. J’en ai l’âge, l’expérience et la sagesse. J’y suis inconnu et personne ne me reconnaîtra. Et je veux voir pour moi-même ce qui est arrivé à ce royaume. On dit que c’est devenu un endroit bien sombre. Je t’en prie, laisse-moi y aller pour toi.
– Mon fils, c’est trop dangereux. Potestas est cruel et ne t’épargnera pas s’il te découvre et si tu devais tomber entre les mains de la vaine Gloria… je n’ose pas y penser. L’empereur frissonna. Non, j’y enverrai un de nos chevaliers rusés.
La discussion dura encore longtemps. Mais enfin, c’était bien le prince qui se glissa dans le royaume de Mundus, sans que personne ne le remarqua.
Il parcourut tout le pays et réussit à s’infiltrer jusque dans le palais. Ce qu’il voyait le remplit de pitié et de colère. La réalité était pire qu’il ne l’avait crue. Le pouvoir de Potestas pesait comme une chape de plomb sur tout le pays. Et la presque totalité de ses sujets s’en était fort bien accommodée. Le lieu était vraiment très sombre. Et le projet de son père de mobiliser les forces innombrables de l’empire pour effacer l’insulte de Mundus était pleinement justifié.
Or, une rencontre allait changer tout ça.
Loin du palais, un jour de grande chaleur, le prince inconnu chercha à se rafraîchir auprès d’une fontaine quand un regard croisa le sien. Une jeune fille, belle comme la lune et fraîche comme la rosée du matin se trouva en face de lui. Il eut un choc, car c’était le premier visage sans dureté ni vanité qu’il vit à Mundus. Qui était-elle ? Etait-elle perdue ici ? Ou était-elle seulement d’apparence différente ? Doucement, il lui dit : “Qui es-tu ? Es-tu d’ici ?”
– Mon nom est Ombrelle et je suis une des filles du roi Potestas et de la reine Gloria, répondit-elle. Et qui es-tu ? Tu dois être un étranger !
Alarmé, le prince se crut dévoilé. Il se maîtrisa et dit : – C’est donc si évident que cela ?
– Non, dit Ombrelle doucement, pas vraiment. Mais ton regard te trahit. Tu n’as pas le regard des gens d’ici. Et je soupçonne que tu pourrais même être beau.
– Es-tu heureuse ici ? demanda le prince.
– Heureuse ? Je ne me le suis jamais demandé. C’est mon pays. Je n’en connais pas d’autre. Je suis comme tout le monde. Sauf que parfois… Elle se tut.
– Sauf que parfois … ? reprit le prince.
– Je ne veux pas en parler. Mon père pourrait l’entendre et ça irait mal. Mieux vaut que tu partes. Tu cours des risques.
Alors, le prince décida de jouer le tout pour le tout.
– Je suis Eras-Melekor, prince héritier de l’Empire-des-Terres-de-Ci-et-de-Là. Je suis venu pour découvrir le pays de Mundus. Et je te demande si tu veux me suivre chez moi. Amoureux, captivé par cette princesse si étrange, il ajouta : Je veux que tu deviennes ma princesse !
Ombrelle, incrédule, fixa le prince. Quelqu’un qui était amoureux d’elle ? Elle dit : – Mais c’est impossible ! Mon père est en guerre avec vous. Jamais il ne me laissera partir. Je suis connue dans tout le pays et tu ne peux pas me faire passer les frontières. Ce serait la mort pour tous les deux. Puis, découvrant dans son cœur les premiers élans d’un amour tout neuf, elle poursuivit : Ce serait ta mort !
Eras-Melekor la regarda avec détermination.
– Je suis le fils de l’empereur. Je lui demanderai ta main. Il n’osera pas me la refuser.
C’est ainsi que, peu de temps après, ils se trouvèrent devant Potestas.
Lorsque le prince dévoila son identité, le roi faillit avoir une crise d’apoplexie. Le fils de son pire ennemi, devant lui, seul et amoureux de cette horrible Ombre, mille fois plus haïssable encore pour avoir osé tomber amoureuse de ce parvenu de prince ! Il lui apprendrait ! Mais il fallait être prudent. L’empereur ne devait pas être provoqué plus que nécessaire.
– Cher prince, lui susurra-t-il, ce que tu demandes est un grand honneur pour notre belle terre de Mundus. Mais tu comprendras que nous ne pouvons pas aller à l’encontre des traditions millénaires qui veulent qu’une princesse de Mundus soit richement dotée. Et aucun mariage ne peut avoir lieu tant que la dot ne soit payée en totalité. (La dernière condition venait d’être inventée de toute pièce par Potestas pour l’occasion et il en était assez fier.) En plus, il ne peut être envisageable que la princesse Ombre se marie à l’étranger. Cela fendrait le cœur de sa pauvre mère. Mais, sûrement, cela ne devrait pas gêner notre auguste empereur ? Bien au contraire, cela scellerait la bonne entente entre nos deux grandes nations !
Le prince l’interrompit sèchement : – Et quelle dot demanderas-tu ?
– Oh, nous ne désirons pas d’argent. Notre pays est riche et prospère. Ce serait vraiment un affront de te demander de payer pour ton épouse ! Mais… nous voudrions vraiment connaître le futur mari de notre fille bien-aimée. Pour dot, tu accepteras donc de servir comme esclave dans ce palais pendant une année complète.
Incrédules, tous les présents regardèrent du roi vers le prince et du prince vers le roi. Ce qu’avait dit Potestas était un horrible et cruel affront. La reine Gloria se délecta, enchantée à l’idée d’avoir ce prince affreux comme esclave entre ses mains. Ombrelle s’était évanouie. Le prince blanchit. Mais il se contenait en regardant la princesse.
– J’accepte tes conditions et je t’avertis contre toute tricherie. Et nous signerons dès aujourd’hui le contrat de fiançailles.
Le roi le contempla avec méchanceté, mais il ne pouvait en rien contester cette dernière exigence. Pourtant, un petit sourire malicieux traversa son visage. Il l’aurait tôt ou tard !
Avant le soir, le contrat de fiançailles fut signé. Mais il n’y eut aucune festivité. Le prince commença son service aussi vite les formalités finies. Et la princesse fut bannie du palais.
L’année qui suivit se passa lentement. L’esclavage du prince fut cruel au-delà de toute mesure. Ombrelle n’en sut jamais plus que quelques bribes. Seul l’empereur connut un jour toute la profondeur de la souffrance de son fils. Mais durant cette année, il fut impuissant. Le prince s’affaiblit peu à peu en raison des mauvais traitements et du manque de nourriture. Si Potestas avait voulu le tuer avant la fin de l’année, il ne s’en aurait pas pris autrement. Mais il avait un tout autre projet …
Vers la fin de cette année, en fait il en restait moins d’un mois, Ombrelle fut ramenée au palais. Une annonce officielle fut faite dans tout le pays et affichée à tous les coins de rue. La princesse Ombre avait été surprise en plein délit de trahison. Elle serait traduite devant la haute cour de justice du royaume. Elle risquait la peine de mort.
Le prince ne la vit pas. Comment la sauver des griffes de Potestas ? Comment l’amener un jour chez lui ?
Le procès eut lieu le dernier jour de l’année de l’esclavage du prince. La séance fut courte et la princesse condamnée à mort. La sentence serait exécutée sept jours plus tard.
Dans une faiblesse extrême, le prince retrouva sa liberté le lendemain. Il fut autorisé à voir sa fiancée et les deux passèrent une semaine à la fois étrange et terrible. Car la mort rôdait autour d’eux.
A quel jeu jouait donc Potestas ? Ce dernier avait très bien cerné le prince. Son but n’était pas la mort de sa fille. Celle-là lui laissait froid. Qu’elle meure ou qu’elle vive, quelle différence ? Son problème était le prince. Lui ne laisserait pas mourir la fille. Et c’est sa mort qu’il avait ainsi mise en scène.
A la fin de la semaine, le prince se rendit chez le roi.
– O roi, sache que ta fourberie ne restera pas impunie. Sache aussi que dans ta méchanceté tu as oublié la loi fondamentale de l’empire dont ton royaume dépend malgré toi. Cette loi, que tu ignores à ta perte, est celle du sacrifice. Elle stipule : Celui qui se sacrifie par amour, sa mort sera effacée. Je prendrai la place de ta fille demain sur l’échafaud.
Toute la cruauté de Potestas se lut sur son visage dur.
– Pauvre malade, le railla-t-il, regarde-toi. Tu ne sais même pas ce que tu fais. Tu as perdu la raison à cause de ton amour aveugle. Ou c’est peut-être cette année qui t’a fait perdre la tête. Je te ferai donc examiner par nos médecins et ils te déclareront malade. Ton père recevra ce rapport qui affirmera ainsi notre innocence. Cependant, ton offre nous l’accepterons. Demain, tu mourras et la princesse sera chassée à tout jamais de cette cour et abandonnée à elle-même. Quiconque la trouvera la méprisera et la haïra. Et pour ce qui est de cette loi stupide, ce n’est rien d’autre qu’un conte de fées. Dis-moi, connais-tu un seul cas où cette prétendue loi aurait déjà été appliquée ? As-tu déjà vu la mort effacée pour quelqu’un ne fut-ce qu’une seule fois ? Pauvre type !
Avec cela, le prince fut congédié.
Ombrelle fut appelée devant son père qui lui raconta avec un plaisir cruel l’entretien qu’il avait eu avec le prince. Elle éclata en sanglots et, désespérée, s’enfuit dans la nuit convaincre son fiancé à abandonner son idée. Mais elle ne put l’amener à changer d’avis. Le lendemain, le prince fut exécuté.
Cette nuit-là, la fête fut grandiose au palais. L’empire avait perdu son héritier par sa propre folie, attestée officiellement par les meilleurs médecins du pays. Mundus était délivré de la plus grande menace contre son indépendance. Quel pied de nez à l’empereur ! Et il ne pouvait rien y faire, car son fils était venu de son propre gré.
Ombrelle errait dehors, sans savoir où elle était, hors d’elle-même dans sa douleur. Qui la consolerait ? Si seulement son prince n’était jamais venu !
Minuit sonnait.
Cette nuit-là, la loi immuable de l’Empire-des-Terres-de-Ci-et-de-Là fut appliquée pour la première fois depuis sa promulgation. La mort fut effacée.
Personne n’a jamais su ce qui c’était réellement passé. Pour Potestas, ce n’a jamais été plus qu’un bruit. Et ses fêtes n’en ont pas été perturbées. Du moins, pas encore…
Ombrelle le rencontra. Cette nuit-là, ses larmes furent effacées. Son prince vivait !
– Je vais rentrer dans mon pays, dit-il. Crois-moi, je vais y préparer nos noces. Car tu ne peux pas venir avec moi maintenant. Mais je reviendrai te chercher et toutes les armées de l’empire te feront une haie d’honneur. En attendant, ma princesse, prépare-toi aussi de ton côté. Cache-toi loin de ce palais. Tu trouveras plus d’amis que tu ne le crois et tu seras protégée mieux que tu ne le penses. Et nous nous retrouverons ! Prépare-toi, princesse de l’empire. N’oublie pas que nous nous sommes fiancés.
Avec ces mots, il partit dans la nuit.
Extrait du livre Le choc : rencontres avec le ressuscité, www.croiretcomprendre.be
Note
- Eras-Melekor : Eras, du verbe hébreu ‘épouser’, ‘prendre une femme’. Melekor – Melek, roi et Oor, lumière : roi de lumière.
- Mundus : Le monde.
- Potestas et Gloria Mundi : La puissance et la gloire du monde.