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Paris, vers 1932 : « Je me promenais sur le boulevard Montparnasse et suis tombé sur cette scène : devant un café, sur le trottoir, se trouvait une table ; sur la table était posé un verre de bière, et derrière le verre était assise une religieuse russe en robe monastique. Je l’ai regardée et décidé que je ne m’approcherai jamais de cette femme ». C’est ainsi que l’évêque orthodoxe Antoine de Souroge se remémore sa première rencontre avec Mère Maria Skobtsova.
Mère Maria, née en 1891 à Riga, reçut le baptême et le nom d’Elizaveta Pilenko. Son père mourut pendant son adolescence, ce qui la poussa à devenir athée. Elle déménagea avec sa mère à Saint-Pétersbourg, en Russie, où elle rejoignit les milieux socialistes et, à dix-huit ans, épousa Dmitri Kuzmin-Karaviev, un vieux militant bolchevique. Seulement trois ans plus tard, ils se séparèrent, peu avant la naissance de leur premier enfant.
Bien que déçue par les interminables théories de nombreux prétendus radicaux, Elizaveta, désormais poète reconnue, ne perdit jamais sa passion pour la justice sociale.
Peu à peu, cette passion la rapprocha de Jésus, mais elle ne cessa pas de prôner l’athéisme. Elle voyait en Jésus un homme opprimé, qui mourut héroïquement par amour pour les autres.
En 1917, la Révolution russe s’ouvrit sur les violents combats entre l’Armée rouge communiste et l’Armée blanche réactionnaire. Elizaveta, qui avait été adjointe au maire d’une ville rouge, fut capturée par l’Armée blanche et accusée d’être une révolutionnaire. Grâce à un juge compatissant, Daniel Skobtsov, elle échappa à la peine de mort. Elle lui rendit visite après le procès pour lui exprimer sa gratitude ; quelques jours plus tard, ils étaient mariés... Fuyant la Russie pour échapper aux bolcheviques, le couple s’installa finalement à Paris.
En 1926, mourut Anastasia, la toute jeune fille d’Elizaveta. Pendant qu’elle veillait sur elle, Elizaveta sentit qu’elle entrevoyait enfin les profondeurs de l’éternité et le sens de la repentance. Elle écrivit :
Maintenant, je veux suivre une voie authentique et purifiée. Non par foi en la vie, mais pour justifier, comprendre et accepter la mort … Jamais aucune pensée ne se traduira par plus grande exhortation que ces quelques mots : « Aimez-vous les uns les autres » – à condition qu’il s’agisse d’un amour inlassable et inconditionnel. Alors, il illumine toute la vie, qui ne serait, sinon, qu’abomination et fardeau.
Cette année-là, elle se sépara de son deuxième mari et se consacra au travail social. Six ans plus tard, elle prononça ses vœux de religieuse orthodoxe et prit le nom de Maria. Mais bientôt, l’inquiétude spirituelle des chrétiens l’exaspérait autant que les théories de gauche. « La piété, la piété..., écrit-elle dans son journal, mais qu’avons-nous fait de l’amour qui déplace les montagnes ? »
Poussée par cet amour, elle initia ce qu’elle appela « le monachisme dans le monde », en fondant une maison d’accueil pour femmes sans abri.
La communauté connut une belle croissance, et Mère Maria rappelait souvent à ses sœurs que leur vocation était simplement de « donner avec le cœur », puisque « chaque personne est l’icône même de Dieu incarné dans le monde ».
En 1940, suite l’occupation de Paris par les forces nazies, Mère Maria rejoignit un cercle clandestin fournissant de faux papiers aux juifs parisiens.
En 1943, elle fut arrêtée et envoyée au camp de concentration de Ravensbrück. Les autres détenues témoignent qu’elle rassemblait régulièrement les autres femmes, pour les encourager et souvent partager avec elles ses rations alimentaires, au détriment de sa propre santé. Le Vendredi Saint 1945, elle fut sélectionnée, avec d’autres prisonniers malades, pour partir dans les chambres à gaz. Elle mourut le Samedi Saint, alors qu’on entendait au loin le grondement des canons de l’Armée Rouge, qui approchait.
Traduis de l'anglais par Dominique Macabie