Qu'est-ce que le Royaume de Dieu ?
Voilà une question que bien des gens se posent et qui est souvent très différemment interprétée.
Un Royaume est un « état gouverné par un roi », dit le dictionnaire. Donc un royaume de Dieu serait un état gouverné par Dieu.
Est-ce réellement ce que nous cherchons ?
Ici le roi étant Dieu, c'est Dieu qui doit commander, et être obéi ; autrement, c'est un roi fictif, qui n'en a que l'apparence.
Un bâtiment qui ne gouverne plus est celui qui n'obéit plus au gouvernail.
Or Dieu nous a donné ses lois.
Du premier de tous les commandements : « Tu ne tueras pas », qu'avons-nous fait ?
Le crime est honoré et la guerre est devenue un moyen rendu légal pour les hommes de se tuer entre eux sous prétexte de se protéger — et les nations continuent entre elles ce que le premier homme avait fait.
C'est la révolte ouverte contre les ordonnances de Dieu, l'humanité sert un autre roi.
Mais Dieu n'abandonne pas ses enfants et, à une époque — toute semblable à celle que nous vivons actuellement — où tout semble crouler d'une civilisation trop intéressée, Dieu nous envoie son propre fils Jésus-Christ, afin de nous donner une nouvelle possibilité de nous sauver.
Une nouvelle alliance est possible si son peuple veut l'accepter, il est prêt à pardonner. Mais cette fois encore, l'homme se récuse, il veut être seul maître, pour disposer de sa destinée : l'Eglise elle-même, à la tête de la Chrétienté, craint de perdre ses droits et tout ce que l'homme avait créé depuis des siècles s'effondre à nouveau. Soudain, la catastrophe est là.
A celui qui peut croire aujourd'hui que le mal est capable de triompher, il ne reste certes aucun espoir et cela peut durer indéfiniment et croître encore. Aussi je ne m'adresse ici qu'à ceux qui gardent encore la ferme confiance que Dieu reste et restera le plus fort, et qu'il est le maître de tout.
Mais aussi j'ai la conviction que ce qu'il a un jour décrété il l'achèvera — et si nous sommes dans ces temps et avons l'honneur de vivre à une époque aussi grande, notre tâche est de le servir fidèlement. Après tant de bouleversements, il nous faut un roi véritable.
Jésus Seigneur et roi sur la terre, voilà ce que doit être un Royaume de Dieu. Et qu'on le veuille ou non, ne sera vainqueur que celui qui se ralliera à Lui. Le roi veut être obéi et respecté, cela doit être ainsi ; il ne peut et ne veut rien faire sans l'assentiment de ses sujets ; et, pour que cela soit durable, il attendra qu'ils se rangent à ses côtés, le temps n'existe pas pour lui.
Surtout qu'on n'aille pas m'objecter que Jésus lui-même fut trahi à son tour et mis sur la croix en victime vaincue. Il fut aussi ressuscité et c'est ainsi qu'il est resté quand même le vainqueur.
Mais il fut trahi deux fois. Quand ses disciples disparurent petit à petit, l'humanité l'oublia et l'homme chercha de nouveau dans ses propres forces le succès, au mépris de ses enseignements.
L'Eglise détentrice du spirituel uniquement crut nécessaire d'établir sa force sur un royaume temporel ; elle se rabaissa.
Alors qu'est-il arrivé ? Ce fut l'ennemi qui triompha ; la chrétienté fut mise sous son joug, et les temps passèrent avec des soubresauts de révolte passagère suscités par l'action d'hommes résolus (Calvin, Luther et quelques autres), décidés à lutter pour leur premier Roi auquel ils se confiaient désespérément. — C'était un commencement ; mais nous restions toujours dans le chaos, et les guerres des hommes et des peuples entre eux, sous quelque forme qu'elles se déroulassent, économiques, financières, sociales ou militaires, haine, envie, vol, convoitise, meurtre, etc., continuèrent.
Cela n'était pas le règne de Dieu sur la terre, mais le règne ouvert ou clandestin de Satan lui-même — l'ange déchu put se croire Seigneur et maître définitivement.
Il n'ignorait pas cependant que son règne était limité dans le temps, et risquant tout, il découvrit ainsi ses batteries.
Le mal apparut dans toute son horreur : nous le constatons aujourd'hui — de remède il n'y en aura pas qu'il ne soit vaincu pour toujours ; ou du moins il se ralliera, n'essayant plus de nous tromper, et reconnaîtra lui aussi Dieu pour son maître, celui qu'il avait trahi primitivement.
Mais, grâce à Jésus-Christ, un petit peuple était resté qui n'avait pas oublié, et c'est à cette poignée d'hommes qui reste la phalange nécessaire, gardienne des ordonnances du Dieu Créateur, que l'Eternel s'adresse pour terminer son œuvre, et sortir la Chrétienté du chaos où elle s'est plongée elle-même par ses trahisons.
Ce que Dieu a résolu s'accomplira cependant, et qui sait ! s'accomplit peut-être déjà aujourd'hui.
Le chaos existait déjà dans la société quand Jésus apparut pour la première fois — rien d'étonnant qu'il en soit de même maintenant. Gardons-nous bien d'oublier pourquoi l'humanité fut plongée ensuite dans de nouvelles souffrances au lieu d'être sauvée immédiatement.
Le Royaume de Dieu n'est pas semblable au règne des hommes ; il ne se développe pas par la force, les canons n'y ont pas la voix, mais il se développe parallèlement à celui des hommes, et les deux sont intimement liés. Dieu veut que l'un et l'autre coopèrent à la tâche qu'il s'est fixée, que l'un aide l'autre.
Mais il faut l'avant-garde et le gros, et nous devons servir d'éclaireurs afin d'entraîner les autres à leur montrer le chemin. Tout comme eux, nous gardons les pieds fixés à la terre, mais nos aspirations viennent d'en haut et nos yeux sont tournés vers le ciel où nous cherchons nos commandements.
Chacun a sa tâche spéciale sur cette terre, les uns matérielle, les autres spirituelle, car tous sont faits de la même poussière et doivent rester attachés à la terre pour la soumettre au Roi qui est dans les Cieux : voilà le but.
Tant qu'on n'y sera pas parvenu, il y aura des luttes et la Victoire finale n'appartiendra à aucun autre. Dieu est le maître et plus tôt nous le reconnaîtrons, plus vite on verra la fin du désordre actuel. Mais il faut des ouvriers de toutes sortes, et tous sont nécessaires et concourent au bien général.
L'ordre ne renaîtra pas avant que nous soyons soumis à cette volonté inéluctable qui gouverne le monde et veut notre bien, le bien de ses enfants. Croyez-vous qu'après tant de ravages et de massacres, il soit encore possible aux peuples désorientés de tout remettre en ordre spontanément et par leurs propres moyens ?
Les multitudes célestes y travaillent depuis longtemps, mais Dieu veut que les efforts de l'homme s'y associent ; il veut l'union de tous sur la terre et dans le Ciel et alors nous serons aidés.
Malheur à ceux qui s'y opposeront ou mettront leur confiance dans d'autres dieux.
Nos forces auront une fin et il faudra bien en arriver aux lois de justice et de vérité que Jésus-Christ est venu nous apporter.
D'ici là nous souffrirons et le plus tôt que nous les accepterons sera le mieux.
Il n'est pas d'autre issue que de nous humilier, tous tant que nous sommes, et de cesser de nous révolter contre une force supérieure à la nôtre.
Du transitoire, personne n'en veut plus, c'est déjà un progrès.
Qui voudrait, après un semblable cataclysme, revenir à l'ancien état de choses, qui nous a valu le retour à la barbarie, et que doivent penser de nous les nègres ou les Hottentots à qui nous allons prêcher le pardon ? Ils sont moins barbares que nous, eux qui ne savent rien.
Qu'avons-nous fait de la dignité de l'homme créé à l'image de Dieu le Père, qui nous a appelés ses enfants ?
Voulons-nous ou non être gouvernés et protégés par lui, ou demandons-nous un roi sans vouloir lui obéir, ni l'honorer ? Là est toute la question.
Le royaume de Dieu, c'est Jésus-Christ roi et maître sur la terre qui lui a été donnée, et non pas au Ciel seulement.
Croyons-le et agissons ainsi dans tout ce que nous faisons, appelons-le dans nos prières afin qu'il vienne nous tirer de notre misère et qu'il apparaisse enfin comme le seul sauveur de l'humanité.
Cessons de le renier, ayons confiance en Lui et tout sera changé en un instant.
Le Royaume de Dieu c'est l'alliance entre Dieu et ses enfants.
« Jésus, Seigneur en tout, dans nos mœurs et dans nos familles, dans la politique et nos institutions, Jésus Roi des rois, à la gloire de Dieu le Père ».[1]
[1] Citation extraite de Du Royaume de Dieu, de Christophe Blumhardt, article 78, dernier alinéa.
Fascicule no. XXVIII. Extrait d’Evangile et Liberté du 13 Janvier 1943
Image: Aus dem DEHIO Vorarlberg 1983: Rosenstrasse Nr.6: Städtische Musikschule, 1900/01 späthistorischer würfelartiger Bau, geklinkert, sandsteingerahmte Fenster, originale Jugendstilverglasung des Stiegenhauses. Im Oberdorf, Dornbirn