Pourquoi un livre pour enfants sur la DMZ (zone démilitarisée) ?

Avec d'autres auteurs coréens, chinois et japonais, j'ai lancé le « projet d'un livre d'images pour la paix », afin d'aider les enfants à envisager un monde plus pacifique. Mais quand j'ai entendu le mot « paix », c'est le paysage inhumain de la zone démilitarisée qui est apparu dans mon esprit, le contraire évident de la paix, une vision de guerre. La DMZ est comme une blessure causée par les griffes d'un monstre géant sur le dos de la péninsule coréenne. Elle sépare le Sud et le Nord, offrant au regard des barbelés et une terre couleur ocre, rappelant le sang qui y a coulé.

En quoi la DMZ est-elle vraiment démilitarisée ?

On entend par « zone démilitarisée » une région dans laquelle il n'y a plus d'armes. Or, en réalité, il existe encore des centaines de milliers de mines qui y sont enterrées,  ainsi que des soldats équipés d'armes sophistiquées des deux côtés. Cependant, paradoxalement, sans aucune intervention humaine, la flore et la faune ont prospéré dans la DMZ. Cette région a même été qualifiée de paradis pour des plantes et des animaux en voie de disparition. Plus précisément, il s'agit d'un refuge de la dernière chance. Constatons quand même l'ironie de la nature qui a su profiter des malheurs de l'humanité. La DMZ devrait nous faire méditer et réfléchir non seulement sur les relations entre les gens, mais aussi sur la coexistence entre les êtres humains et la nature.

Vous avez visité la DMZ pour créer ce livre. Qu'est-ce qui vous a le plus marqué ?

Une famille de grues du Japon et des oies sauvages volant vers le sud et survolant les barrières : c'était inoubliable. Le spectacle était réel mais j'éprouvais un étrange sentiment d’irréalité. Au sein d'une histoire humaine aussi dramatique, comment le paysage pouvait-il être aussi beau ?

Qu'est-ce qui a changé dans la DMZ, après les récentes rencontres des dirigeants des deux Corées ?

Les portes sont toujours fermées et il n'existe aucune liberté de se déplacer d'un pays à l'autre. Cependant, quelques postes de garde, des deux côtés, ont été démolis. Des projets sont en cours pour rétablir une liaison ferroviaire et l'autoroute. Ce progrès n'est rien d'autre qu'un miracle. Les gens qui aiment la paix devraient continuer à encourager ces efforts, pour que prenne fin cette division de soixante-dix années entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, et pour que commence une ère de paix.

À la fin du livre, on voit un vieil homme et son petit-fils ouvrir toutes grandes les portes de la zone démilitarisée et embrasser leur famille de Corée du Nord. Quand viendra ce jour ?

Un monde de paix, dans lequel les familles séparées seront réunies et où on pourra librement aller et venir, adviendra certainement, parce que quatre-vingts millions de coréens du Nord, du Sud et de l'étranger aspirent ardemment à la paix. Ce temps de paix a peut-être déjà commencé. Mais il reste beaucoup à faire pour parvenir à une paix définitive, à un monde qui ne sera plus menacé par la guerre. Un livre d'images ne saurait changer le monde immédiatement, mais il peut faire naître un sentiment, il peut quelque peu toucher les cœurs. Ces cœurs, ensemble, ne pourraient-ils pas changer peu à peu le monde ?

En écrivant votre livre, pensiez-vous également à d'autres murs, comme celui de la Bande de Gaza, ou celui de la frontière entre les États-Unis et le Mexique ?

Les murs se consolident quand des gens toujours plus nombreux désespèrent de voir un terme aux divisions. Si nous voulons faire tomber les murs, il faut d'abord les abattre dans notre propre cœur. Un mur matériel ne peut pas être édifié en une matinée ou démoli en une nuit. Par contre, les murs qui sont dans nos cœurs peuvent s'effondrer d'un seul coup. 

Une fois que nous avons fait tomber les murs de nos cœurs, nous pouvons modestement commencer à contribuer à l'effondrement des vrais murs. Un proverbe coréen dit : « L'eau qui s'égoutte érode la pierre ». Des gouttes de pluie qui ne cessent de tomber d'un toit finissent par creuser un trou dans une terrasse en pierre. Si nous n'abandonnons pas notre rêve de paix, si nous persévérons dans nos efforts, les vrais murs finiront par s'effondrer.

Dessins de Uk-Bae Lee. Reproduits avec autorisation.


Interview réalisée et traduit en anglais par Chungyon Won, le 3 janvier 2019.

Traduit de l'anglais par François Caudwell.