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CheckoutPas question de rester les bras croisés
devant la persécution des musulmans ouïgours de Chine
par Jonathan Sacks
dimanche, le 2 mai 2021
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Massivement présents dans la région du Xinjiang en Chine, les Ouïgours sont un groupe ethnique distinct de la population majoritaire Han en Chine. Musulmans dans un état athée militant, ils endurent ces dernières années une persécution croissante. Aujourd’hui, sur les quelque 13 millions de Ouïgours, on estime qu’un million sont emprisonnés dans des camps de concentration, où ils sont utilisés comme esclaves, affamés, maltraités et soumis à des séances de « rééducation » : pendant des heures de propagande quotidienne, ces citoyens sont sommés de renoncer à leurs convictions. Voici les crimes pour lesquels on est passible d’être envoyé dans de tels camps : porter un hijab, se laisser pousser une longue barbe, faire partie d’une famille de croyants pratiquants et avoir trop d’enfants.
Les lois chinoises interdisant aux femmes d’avoir plus de deux enfants – trois dans les zones rurales – sont appliquées sans pitié à l’encontre des femmes ouïgoures, forcées dans de nombreux cas à subir avortements et stérilisations. En conséquence, selon l’Associated Press, les taux de natalité dans les régions de Hotan et Kashgar, majoritairement ouïgoures, ont chuté de plus de 60 % entre 2016 et 2018. De plus, une vidéo de drone a récemment fait surface, montrant des Ouïgours, attachés et lourdement gardés. Ils sont manifestement entassés dans des trains à destination de ces camps de concentration. Confronté le 19 juillet à la vidéo réalisée par le journaliste de la BBC Andrew Marr, l’ambassadeur de Chine au Royaume-Uni Liu Xiaoming n’a pas été capable de justifier ce qu’il voyait. —Les rédacteurs en chef
Je crois fermement au caractère sacré de la vie humaine, et suis par conséquent profondément troublé par ce qui arrive à la population musulmane ouïgoure en Chine. Je suis juif, je connais notre histoire. La vue de gens rasés, alignés, embarqués dans des trains et envoyés dans des camps de concentration m’est particulièrement pénible. Qu’au XXIe siècle, des gens soient assassinés, terrorisés, persécutés, intimidés et privés de leurs libertés à cause de la façon dont ils adorent Dieu est un scandale moral, politique et une profanation de la foi elle-même..
En 1948, en réponse aux horreurs du régime nazi, les Nations unies naissantes ont proclamé la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Chine – la République de Chine, puisque la République populaire (RPC) ne sera pas instaurée avant l’année suivante – en est signataire. En 1971, la RPC a réaffirmé cet engagement en signant la Déclaration. L’article 18 déclare :
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.
L’application de l’article 18 dans le monde entier reste l'un des grands défis de notre époque. Ce droit est trop souvent bafoué lorsqu’au sein d'une société une population, généralement le groupe dominant, perçoit un autre groupe comme une menace à sa propre liberté et domination, ou lorsqu’il y a lutte entre volonté de puissance et volonté de vivre. La menace devient un objet de crainte, la peur vire à la haine, et la haine entraîne la déshumanisation. Les nazis traitaient les Juifs de vermine et de poux. Les Hutus du Rwanda ont traité les Tutsis d’inyenzi (cafards). Lorsque le monde acquiesce à la déshumanisation de l’Autre, le mal suit, comme la nuit succède au jour.
Dans ces deux cas – pendant les années 1930 et 1990 –, une grande partie du monde est restée passive, paralysée ou indifférente. Pourtant, dans les deux cas, des voix de protestation se sont également élevées, et de nombreux individus mettent leur propre vie en danger pour protéger celle des autres.
Aujourd’hui, cette déshumanisation touche la population ouïgoure en Chine. Elle doit être remise en cause par la communauté mondiale dans les termes les plus fermes possible. À l’instar du courage et des actions des hommes et des femmes qui se sont exprimés dans le passé, nous devons réaffirmer une vérité fondamentale : notre humanité commune transcende nos différences religieuses. Si nous négligeons cette vérité, nous nous égarerons et perdrons notre humanité. Ne permettons pas que cela se produise. Ne restons pas les bras croisés.
Traduit de l'anglais par Dominique Macabie