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Lettre de Caroline du Nord
par Richard Joyner
vendredi, le 24 mai 2019
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Les jardins nous apprennent la liberté. Ici, à Conetoe, en Caroline du Nord, notre communauté est entourée de tous côtés par un désert alimentaire. Un quart des ménages de notre comté vit en-dessous du seuil de pauvreté des États-Unis. Une alimentation insuffisante causait ici davantage de décès parmi les jeunes que les accidents de la route. J'ai été aumônier d'hôpital pendant des années. J'ai accompagné une famille après l'autre, quand elles se trouvaient devant la tombe de quelqu'un qui était mort trop jeune. Je me souviens d'un jour où, rentrant de l'hôpital, j'ai garé ma voiture et je me suis mis à prier. C'était comme si j'avais entendu Dieu me dire : « Ouvre les yeux, regarde autour de toi. » Des champs s'étendaient dans toutes les directions.
Mais ces champs étaient chargés d'un lourd passé. Mes parents et mes grands-parents avaient été métayers. La génération avant eux avait été esclave. Pour moi, ces champs n'étaient pas synonymes de liberté. Pourtant un regard neuf commençait à effacer le passé. Pourquoi notre communauté ne pourrait-elle pas renverser cette situation, trouver sa liberté dans de bonnes terres, croire enfin à un avenir où les familles pourraient survivre, prospérer grâce à leur détermination, leur créativité et aux semences de l'année passée ?
Le Centre Conetoe Family Life existe maintenant depuis quatorze ans. Dans le cadre de notre programme, des jeunes acquièrent des compétences sociales et spirituelles en découvrant ce que signifie faire un avec la terre. Oui, nous apprenons à cultiver tout ce qui peut pousser sur ce sol. Mais nous apprenons aussi comment l'investir dans la communauté, en donnant à manger aux familles, en vendant des légumes, des fruits et du miel aux restaurants, aux hôpitaux et aux établissements scolaires de la région. Nous réinvestissons ensuite dans le sol les sommes recueillies.
J'aimerais que les enfants arrivent à dire : « Je peux le faire ! Je peux contribuer au bien-être de ma famille et de ma communauté. » Nous sommes passés de la précarité d'un désert alimentaire à une communauté capable de nourrir des centaines de familles chaque semaine, sans avoir recours à des approvisionnements extérieurs. Financièrement, le niveau de nos revenus n'a pas changé. Mais ce que nous faisons en mettant nos efforts en commun a une incidence sur nos bénéfices nets. Nous ne sommes pas dépendants ; nous pouvons nous exprimer, œuvrer pour la justice. Quand un enfant réalise que c'est grâce au travail et à la communauté que les lumières ne s'éteignent pas, qu'il y aura à manger sur la table, que le toit se maintiendra au-dessus de sa tête, c'est une forme de justice. Le taux de mortalité précoce est en forte baisse, c'est quelque chose de juste.
Quand notre communauté se rassemble pour une fête, nous célébrons les racines qui sont les nôtres. Nous nous souvenons qu'il existe de la souffrance et de l’injustice. Nous savons que bien des choses doivent encore changer. Mais nous rendons grâce aussi pour le privilège de récolter une nourriture que Dieu nous a donnée et de la manger ensemble dans la paix. Ici, à Conetoe, se rassembler autour d'une table est un geste de survie.
Traduit de l'anglais par François Caudwell.